Enchères exceptionnelles, samedi, de bateaux de collection, dont un canot automobile sur lequel on aurait pu voir B. B. On en redemande
Comme le mythique Riva de Brigitte Bardot, les canots automobiles
font toujours rêver. PH. TH. DAVID
«Six mille, six mille cinq cents à ma droite, c'est vu ? Bien vu ? C'est à vous, madame. » Me Gérard Sahuquet, commissaire-priseur de l'étude Jean Dit Cazaux et Associés, a jonglé avec les donneurs d'ordre ferme, les correspondants au téléphone depuis l'étranger et les amateurs dans la salle dont il fallait décrypter les signes minimalistes. Cette vente aux enchères était exceptionnelle à bien des égards.Le décor d'abord, celui d'une salle des ventes improvisée dans un hangar à bateaux, au milieu des coques renversées, dans une vague odeur de vernis, à deux pas de deux magnifiques Riva des années 60 en train de se refaire une beauté.
20 000, 21, 22, « 25 000 par ordre », 26, 27 000… « C'est à vous par téléphone »… Adjugé ! C'est justement un Riva qui vient de… déjauger. Un Florida, le même que celui dans lequel on voyait Brigitte Bardot.
Pour
bien faire, il faudra ajouter 3 000 euros, afin de réparer deux ou
trois traces d'impacts.
«
Ce n'est quand même pas cher ! » affirme un Bordelais juste venu
montrer de beaux bateaux à son fils, prénommé… Marin. Il s'est
résolu au polyester, après avoir passé des hivers à vernir et
revernir (9 couches !) une Yole OK de 4,30 m. Car il faut plus
d'huile de coude que d'argent.
«
On peut avoir un beau petit canot en bois pour moins de 10 000 euros,
et on est sûr de ne pas perdre d'argent », rappelle Jean-Bernard
Nicolas. C'est lui qui prête le hangar de son chantier à
Port-Bastide. Sa fille, Anne-Laure, fait office de conseil sur la
vente. Le virus se transmet… À propos, Gérard Sahuquet a-t-il un
bateau ? « Non, mais j'ai le permis. »
Du
rêve américain
Dans
le local, où tout le monde n'a pas trouvé de place assise,
difficile de distinguer le curieux de l'acheteur qui se fait tout
petit : « Beaucoup veulent rester discrets », confirme un Gérard
Sahuquet satisfait. Son projet est arrivé à bon port. « On a vendu
la plupart des bateaux et surtout les plus emblématiques, dont le
Riva, le Talisman en bois exotique qui restera en Gironde, quelques
Lyman, du nom de l'Américain pionnier du canot automobile, et même
un sans moteur.Ce
sont de vrais amateurs qui vont le restaurer amoureusement. Certains
passent plus de temps à rénover qu'à naviguer. »
Les
acheteurs sont venus de toute la France, des USA, de Belgique…
Comme cet homme qui a fait abstinence : « Je n'ai rien acheté cette
fois », dit-il. Toutefois, juste à côté, Mustapha Bouabdelli,
maniaque du vernis au point d'en passer 35 couches au lieu de 16,
restaure pour lui un Riva Super Ariston. « En vacances à
Biscarrosse, nous utilisons un Chris-Craft. Il est en plastique, mais
c'était celui de mon père. Le Riva, je m'en servirai aussi, mais
c'est d'abord commeun
objet d'art. »
Confiants
dans les expertises d'Alain Curnillon, certains ont acheté sans voir
le bateau ! Mais tout est dans le rapport : l'année de fabrication,
le chantier, l'histoire, les références, l'état, les dégâts
éventuels, le coût des travaux à envisager. Ce n'est pas de
l'argent perdu : « Il s'agit de pièces de collection qui
représentent un bon investissement », confirme l'expert. « Même
si la période actuelle est un peu incertaine, ces bateaux n'étant
plus fabriqués, ils ne peuvent que prendre de la valeur. »
Bien
dans la ville
Et
ils vont bien à la ville. « La lecture de Bordeaux dans le monde se
fait par le vin et le fleuve », observe Gérard Sahuquet. « C'est
ce qui m'a donné l'idée d'organiser cette vente que je voudrais
renouveler chaque début d'été. Les canots automobiles font
toujours rêver. »
C'est
la raison d'être de la Société nautique de Bordeaux, implantée
sur place. Pour les passionnés, l'unité de lieu était respectée.