Le procureur de la République de Dunkerque, Philippe Muller, a annoncé vendredi 29 juillet, après un entretien avec le garde des sceaux, qu’il annulait ses directives de report de certaines incarcérations en raison de la surpopulation carcérale.
Boris Targe, secrétaire adjoint du Syndicat national des directeurs de prison, estime pourtant que cette décision était pourtant pertinente.
« Face à une situation de surpopulation carcérale, un procureur a le choix entre deux solutions. Soit il travaille en amont de la chaîne pénale et il limite le nombre de mises à l’écrou, par exemple en développant les alternatives à l’incarcération, comme les travaux d’intérêt général ou les sursis avec mise à l’épreuve. Soit il travaille en aval de la chaîne pénale en libérant plus rapidement les détenus grâce à des aménagements de peine, comme la liberté conditionnelle, la semi-liberté, le placement sous bracelet électronique ou le placement extérieur.
En fonction de l’objectif qu’il poursuit, il va privilégier l’une ou l’autre de ces solutions. S’il veut lutter contre le nombre de peines non exécutées, il va choisir d’augmenter le nombre de personnes écrouées et préférera aménager les peines. C’est la logique qu’a retenue le gouvernement qui, pour réduire les 230 000 peines non exécutées, a imposé des contrats d’objectifs à certains procureurs. Si, à l’inverse, il veut assurer une efficacité sociale de la peine, il va limiter le nombre de personnes incarcérées. Il met alors en place une politique dite de « mise à l’exécution des peines », en définissant les faits pour lesquels il requiert une mise à l’écrou et les faits pour lesquels il demande une alternative. Depuis 2010, il existe une commission d’exécution des peines, qui réunit tous les acteurs de la chaîne pénale et permet au procureur de formaliser cette politique.
Le procureur de Dunkerque a été le premier à demander des suspensions de mises à l’écrou depuis la création de cette instance. Dans les années 2000, le procureur d’Angers avait pris une décision de ce type mais elle n’avait pas été formalisée via une instance. Le procureur de Dunkerque était donc dans le respect de ses attributions. D’autant qu’à chaque fois qu’un détenu est emprisonné dans de très mauvaises conditions, comme ça peut être le cas à Dunkerque, il est en droit de demander des dommages et intérêts. De mon point de vue, le procureur de Dunkerque a donc fait preuve d’un grand professionnalisme. En lui demandant de faire machine arrière, le garde des sceaux l’oblige à se comporter en fonctionnaire qui obéit à sa hiérarchie, et non en magistrat garant des droits et libertés individuelles. »