Société
Bien qu'interdit par la loi, le bizutage est loin d'avoir disparu. Sous couvert « d'intégration », les brimades et les humiliations ont toujours cours. Des affaires survenues ces jours derniers dans le Grand Sud en attestent.
RECUEILLI PAR GUILLAUME ATCHOUEL
Le bizutage se poursuit, malgré les interdictions/Photo MaxPPP
De l'alcool qui coule à flot, des épreuves humiliantes, des jeux à forte connotation sexuelle… Treize ans après la loi désignant le bizutage comme un délit, force est de constater qu'il y a encore de sérieux dérapages. Ces dernières semaines, plusieurs exemples dans la région témoignent que cette « tradition » n'a pas totalement disparu des facs et des bahuts.
Ainsi, six élèves de terminale du lycée privé Saint-Joseph de Lectoure dans le Gers viennent d'être provisoirement renvoyés pour avoir infligé le « jeu du string » à un de leur camarade de première. Sa mère s'est adressée au Comité national contre le bizutage : « Mon fils s'est retrouvé les fesses à l'air devant tout le monde, il s'est senti très humilié et a bien du mal aujourd'hui à oublier tout cela. » Le directeur du lycée indique qu'il a pris les mesures nécessaires, dont un rappel à l'ordre général.
Autre exemple : le comité national du bizutage a reçu un courrier faisant état de débordements pendant les soirées d'intégration à Supaéro. Il est question de grandes quantités d'alcool absorbées, d'étudiants en état second, mais également de gestes à la limite de l'agression sexuelle de la part des garçons envers les filles. Le directeur adjoint de l'école d'ingénieur toulousaine indique qu'il est prêt à recevoir le Comité contre le bizutage, pour « tirer les choses au clair ». Et souligne qu'il est difficile pour l'encadrement de « passer toutes ses nuits derrières les étudiants ». Il promet en cas de dérapage, de prendre toutes les mesures disciplinaires qui s'imposent.
On a vu aussi une soirée très arrosée et très dénudée à l'Inseec de Bordeaux circuler sur internet : là, les internautes se sont insurgés, car en plus, un animal, un chat en l'occurrence était maltraité. Il s'agirait en fait d'une peluche.
Enfin, à Brest, cette année, un père a porté plainte pour des brimades et des humiliations subies par son fils, sur fond de plaisanteries sur le Troisième Reich… Douze élèves ont été renvoyés de l'établissement en question.
Le Comité national contre le bizutage souhaiterait enfin une vraie prise de conscience contre une « tradition » qui n'est que médiévale.
"Il faut une prise de conscience"
Malgré son interdiction, le bizutage existe toujours…
Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage. Oui. Malheureusement. Et c'est très insidieux. Le bizuté accepte d'être victime de brimades et d'humiliations parce qu'il a peur d'être exclu de sa promotion ou de devoir quitter l'établissement s'il se rebelle et dénonce. Et puis, les bizuteurs, qui ont souvent été eux-mêmes bizutés, lui disent que ce n'est pas bien grave alors que ces pratiques sont humiliantes et rabaissantes.
Quel genre de brimades trouve-t-on ?
Il y a, la plupart du temps, l'alcool en toile de fond. Tout le monde fini saoul et on inflige ensuite des humiliations comme l'obligation, en public et sous l'œil d'une caméra, de montrer ses fesses, de simuler des actes sexuels et de chanter des chansons obscènes. Parfois ça va même encore plus loin. Ces films circulent et on se moque à nouveau du bizuté.
Comment agir contre ces pratiques ?
Chaque année, à la reprise des cours, nous sensibilisons les directions d'établissement. Lorsque nous avons connaissance d'un fait délictueux, le Comité national contre le bizutage en informe alors le ministère. Cette année, nous avons demandé un rendez-vous au ministère de la Défense car plusieurs établissements ou campus de son ressort, comme Supaéro à Toulouse, nous sont signalés comme étant le théâtre de délits.
Le chiffre : 20
cas graves > chaque année. C'est en moyenne le nombre de cas de bizutage dégradants et humiliants signalés chaque année au Comité national de lutte contre le bizutage.
« Pour parvenir à enrayer le bizutage, il faudrait une prise de conscience, que chacun se rende enfin compte que tout ce qui rabaisse et humilie n'est pas normal ». Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage.
RECUEILLI PAR GUILLAUME ATCHOUEL