Des employés de France-Soir manifestent pour la survie du journal, le 14 octobre 2011 à Paris. |
Les rotatives de France Soir devaient tourner mercredi soir pour une dernière édition, mais seulement symbolique, d'un journal mythique, passé en trente ans de leader des quotidiens français à première victime d'une ère numérique incertaine.
L'édition qui sortira des presses mercredi soir, à l'initiative des seuls syndicalistes qui refusent de voir mourir le journal, ne sera cependant pas un vrai dernier numéro. La direction de journal et la rédaction en chef ont annoncé qu'ils ne sortiraient pas le quotidien produit par la rédaction.
"Nous avons décidé d'interrompre l'édition papier de France Soir, pour les raisons suivantes: les locaux et le personnel de France Soir ont été victimes hier d'une action commando violente (...). Dans ce contexte de menaces, les conditions ne sont pas réunies pour réaliser sereinement, aujourd'hui, une édition papier de qualité, dans les conditions éditoriales requises", selon un communiqué interne signé Alexandre Pougachev, propriétaire du titre.
En raison d'une bataille de procédure entre syndicats et direction et malgré la volonté d'Alexandre Pougachev d'appliquer son plan, l'arrêt n'est peut-être pas définitif. "L'arrêt définitif du papier n'est cependant pas acté, dans la mesure où le Comité d'Entreprise n'a pas encore rendu d'avis", a précisé la direction interrogée par l'AFP.
M. Pougachev avait annoncé en octobre l'arrêt de l'édition papier le 15 décembre, supprimant au passage 89 emplois sur 127.
Les dernières semaines du quotidien ont été ponctuées par des manifestations et des actions syndicales pour tenter de dissuader le propriétaire du titre. En vain.
Plusieurs actions en justice ont été engagées contre la direction, les représentants du personnel estimant que M. Pougachev n'a pas respecté les procédures vis-à-vis du Comité d'entreprise pour mettre son plan à exécution.
Les derniers tours de rotatives à Evry (Essonne) signent la fin d'un journal à l'histoire exceptionnelle, de sa création par des résistants à une période particulièrement faste avant d'être balloté de mains en mains dans un contexte de crise.
France Soir paraît pour la première fois en novembre 1944 dans la clandestinité et devient rapidement le premier journal français, franchissant le million d'exemplaires en 1953.
A la grande époque, France Soir publie sept éditions par jour, plus de 400 journalistes sont sur la brèche au siège Rue Réaumur, au coeur de Paris. Des centaines d'ouvriers, de cyclistes et de chauffeurs concourent 24 heures sur 24 au succès du titre.
Symbole d'une presse moderne "à l'Américaine" - grandes photos, titres "choc", infos-services et bandes dessinées -, France Soir commence pourtant à voir ses ventes reculer.
Pierre Lazareff, son charismatique directeur, disparaît en 1972. Henri Amouroux qui prend les rênes du journal en 1974 ne parvient pas à enrayer le déclin. Le groupe Hachette vend France Soir en 1976. Robert Hersant, "le Papivore", le reprendra un peu plus tard mais échouera à le relancer.
Le journal changera encore de main à plusieurs reprises. Dernier rachat en 2009 par Alexandre Pougatchev : le jeune milliardaire russe injecte 75 millions d'euros à fonds perdus, auxquels s'ajoutent une dizaine de millions d'aides publiques.
Un sursaut des ventes, de 20.000 à 80.000 exemplaires, pendant quelques mois sera suivi d'une valse de dirigeants et de changements de ligne éditoriale. Alexandre Pougachev, las de renflouer les caisses, finit par jeter l'éponge.
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