Gastronomie. USA : la guerre du foie gras
Nous avons créé un groupe des producteurs de foie gras en Amérique du Nord |
L'ancien gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a voté en 2004 une loi pénalisant la vente de foie gras. Ce n'est pas la première fois que certains aux USA tentent d'interdire ce mets si français ?
Si mes souvenirs sont bons, les premiers procès ont démarré aux USA au milieu des années 80. À l'époque, le foie gras était inconnu. Deux fermes s'étaient installées au Canada et avaient commencé à alimenter le marché américain. Mais c'est en 2006 que l'affaire a pris de l'ampleur, quand la ville de Chicago est passée à l'acte en votant en catimini une loi interdisant aux restaurateurs de vendre du foie gras. Certains se demandaient pourquoi la municipalité se mêlait de leurs menus. Comme au temps de la prohibition, la vente est devenue clandestine. Dans certains restaurants, les serveurs proposaient des tartines de pain grillées à 38 dollars. Devant l'étonnement des clients, ils clignaient de l'œil. Les gastronomes ont vite compris. Du coup, il ne s'est jamais autant vendu de foie gras que pendant cette période. L'interdiction est restée en vigueur à peine deux ans avant d'être annulée par le maire qui l'avait promulguée.
Pourquoi a-t-il fallu attendre pour l'application de cette loi ?
Début 2004, le sénateur démocrate de Californie, John Burton, avait proposé l'élimination du foie gras des menus d'environ 300 restaurants dans cet état. Ce texte visait une importante société installée à Sonoma et produisant du foie gras. Elle était dirigée par quelqu'un que je connais bien, Guillermo Gonzales, et que j'ai défendu. Avant le vote, à maintes reprises, des activistes l'avaient traduit en justice pour cruauté envers les animaux. Laurent Manrique, un chef originaire de Roques, près de Vic-Fezensac dans le Gers qui tenait un restaurant à Sonoma en association avec Guillermo, avait même reçu une vidéo anonyme de sa femme et de son fils prise depuis le jardin de leur maison familiale. Le FBI s'en est mêlé. Les pressions étaient terribles. Les menaces, puis les procès se sont accumulés. Guillermo Gonzalès a fini par négocier avec le sénateur Burton pour que la loi ne soit appliquée qu'en 2012, afin de lui permettre de se retourner.
Qui sont les opposants et pour quelles raisons mènent-ils ce combat ?
Il s'agit d'une minorité d'activistes, notamment des végétaliens, qui ont beaucoup d'argent. Ils sont soutenus par des gens célèbres comme l'acteur Roger Moore ou le musicien Paul Mc Cartney et sont très procéduriers. Aux États-Unis, où plus de 97 % des habitants mangent au moins des hamburgers, les activistes ne s'attaquent pourtant pas aux conglomérats qui produisent du bœuf ou du poulet dans des conditions d'élevage dont on ne parle pas. C'est plus facile de s'en prendre au foie gras : c'est français, c'est un organe qui se mange peu aux États-Unis, et c'est cher et élitiste.
Craignez-vous les conséquences de cette loi ?
Je crains surtout un effet de contagion dans d'autres états des USA. C'est en Californie, où les gens sont partagés entre la consommation de nourritures exotiques et le besoin de tout réglementer, que la loi antitabac a été votée avant de se répandre dans de nombreux autres pays, notamment la France.
Qu'allez-vous faire pour vous opposer à la loi californienne ?
Nous avons créé un groupe des producteurs de foie gras en Amérique du Nord, et nous nous sommes alliés avec l'association des restaurateurs de Californie. On a engagé des lobbyistes, des avocats. La loi est en effet mal fichue : dans sa définition du gavage, elle stipule qu'il s'agit d'une volaille à qui on aurait donné à manger plus que ce qu'elle aurait pu absorber dans son environnement naturel. Si l'on s'en tient strictement à cette définition, les dindes ou les poulets élevés aux USA sont aussi « gavés ». Le seul aspect positif de cette « guerre », c'est qu'elle contribue à faire connaître le foie gras.