Pierre Cambar, sur le stand de la région Aquitaine, porte de Versailles. PHOTO THIERRY SUIRE
En un siècle, le monde du vin a bien changé. Avant, en effet, pas de réglementation et encore moins d'appellation. À tel point que n'importe quel vin qui était mis en bouteille à Bordeaux était vendu sous l'étiquette… Bordeaux.Les vins du Haut Pays, à savoir le Lot-et-Garonne, le Bergeracois, etc. faisaient office de bons fournisseurs pour réaliser des assemblages destinés à pallier d'éventuels et néanmoins fréquents manques de qualité des vins girondins de l'époque. Le vrac arrivait au port par bateaux ou gabarres en descendant la Garonne, la Dordogne ou la Baïse. « D'autres venaient même de bien plus loin, assure Pierre Cambar. Du Midi et même d'Afrique du Nord. » Aujourd'hui directeur de l'Association aquitaine de promotion agroalimentaire (Aapra), l'homme était auparavant directeur du Conseil régional des vins d'Aquitaine. Autant dire qu'il connaît plutôt bien l'histoire de la séparation des différents vignobles. « Dans certains ouvrages historiques, on retrouve des projets de décrets de 1909 qui proposaient d'inclure dans le vignoble bordelais tous les vins présentant une continuité géographique : les cotes du marmandais, le duras d'aujourd'hui et le bergeracois », décrit Pierre Cambar.
Les principaux cépages étaient les mêmes (une plus grande diversité existe en Lot-et-Garonne), le terroir aussi. « Mais les politiques s'en sont mêlés. » Les débats ont été longs et se sont prolongés jusque sur les bancs de l'Assemblée nationale.
Un mal pour un bien ?
« Une forme de protectionnisme de la part des élus bordelais », suggère-t-il. En 1911, le décret paraît : seuls les vins produits en Gironde peuvent désormais prétendre à l'appellation bordelaise. Aux vins du Haut Pays, jusqu'alors assez dépendants de ce système, de se prendre en main et de prendre leur autonomie.
« Ça a dû être un peu la panique. Les producteurs se sont retrouvés sans nom, sans identité, évoque Serge Lhérisson, président du directoire des Vignerons de Buzet (lire ci-contre). Mais ça a permis un vrai travail de reconversion du vignoble, avec la plantation de cépages nobles. Et au final, avec le recul, je pense que ça a été une chance pour nous, les appellations lot-et-garonnaises ont vu le jour et nous ne sommes pas noyés dans la masse. »
Un argument qu'entend Pierre Cambar, qui se réjouit de la célébration, aujourd'hui au Salon de l'agriculture (ci-contre), de cette identité lot-et-garonnaise. Mais avec une certaine mesure : « Aujourd'hui, pour exister dans le domaine du vin, il faut faire des volumes, pour collecter des redevances professionnelles et ainsi exister, en communiquant notamment. » Sur ce principe, les 250 000 hectolitres produits chaque année dans le département, ne pèsent pas bien lourd en comparaison des 5 millions du Bordelais… Les vins du Lot-et-Garonne devront aussi trouver leur place. En dehors de l'interprofessionnelle des Vins du Sud-Ouest, qui regroupe la région Midi-Pyrénées, les Landes et les Pyrénées-Orientales, ils sont pourtant ainsi perçus par le grand public. Sans toutefois, bénéficier de la force de frappe d'une telle organisation. En termes d'image notamment. Des décisions stratégiques pourraient donc être prises prochainement par certaines appellations…
| Par JULIEN PELLICIER