Banques : les emprunteurs fichés ?
Par YANN SAINT-SERNIN
Ce sont 25 millions de Français qui seraient concernés par la création d'un fichier recensant tous les crédits. Sa mise en place, à l'étude, a fait l'objet d'un rapport public.
Le coût serait de 300 millions d'euros pour ce fichier censé réguler
l'accès aux crédits. PHOTO MAXPPP
Le nouveau jouet, s'il était mis en place coûterait plus de 300 millions d'euros. Autant dire qu'au ministère de l'économie, rien n'est fait. Mais la création d'un fichier positif recensant l'ensemble des crédits des ménages vient de prendre un tour concret avec la publication du rapport mitonné par le Comité de préfiguration du Registre national des crédits aux particuliers.
L'idée d'un fichier positif destiné à prévenir les risques de surendettement avait été proposée par la commission spéciale du Sénat, dans le cadre du projet de loi sur le crédit à la consommation de la ministre de l'Économie, Christine Lagarde. Celui-ci n'avait finalement pas été intégré dans la loi de 2010, mais le projet controversé reste plus que jamais d'actualité.
Un dispositif complexe
L'idée est par ailleurs simple, à première vue : pour empêcher un emprunteur d'empiler les crédits de manière compulsive, un registre recenserait l'ensemble des crédits en cours pour chaque particulier, à l'exclusion des autres dettes (téléphonie, loyers…). Avant d'octroyer un prêt, les banques auraient obligation de le consulter.
Mais, concrètement, l'affaire est plus complexe. D'ailleurs, les 12 membres (parlementaires associations, inspecteurs du Trésor) ont bien pris soin de préciser qu'il ne s'agissait pas pour eux de se prononcer « sur l'opportunité d'un tel fichier ».
Un tel dispositif est réclamé de longue date par certaines associations. En pointe, la Fédération Cresus (Chambre régionale du surendettement social) à qui on peut de toute évidence reconnaître une véritable expertise de terrain en matière de surendettement. « Le jeu en vaut la chandelle. Ce fichier est indispensable pour permettre au consommateur d'éviter de tomber dans cette spirale », arguë José Martinez, le président de Cresus Aquitaine. Et de rappeler qu'en 2010 « 200 000 dossiers de surendettement ont été déposés à la Banque de France », soit une augmentation de 15 % par rapport à 2009.
Mais les modalités techniques livrées brutes par le comité peuvent également faire frissonner. D'abord par la taille de la machine. La création de ce type de fichier reviendrait à recenser 25 millions de personnes. Un big brother bancaire ? Bien sûr le groupe de travail au sein duquel siégeait également la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) s'est entouré de moult précautions. Par exemple, le fichier ne serait pas accessible aux autres créanciers, tels les bailleurs. Les conjoints, les cautions ou les personnes sous tutelle seraient également exclus du répertoire.
Des dérives possibles
Mais l'ampleur du système n'est pas sans poser problème. Notamment en termes d'identification. Comment éviter les homonymies sur un fichier comportant autant de monde ? La solution envisagée fait bondir la Cnil. Il s'agirait de dériver l'identifiant du numéro de Sécurité sociale. « Nous sommes très réservés. Ce serait la première fois que l'on s'affranchirait de la sectorialisation des identifiants. Que l'on fasse dériver un identifiant rattaché à des données sociales pour créer des fichiers bancaires nous paraît dangereux », estime la commission.
Autre réserve de la Cnil : si l'idée part de l'intention bienveillante de protéger emprunteurs et prêteurs, difficile d'empêcher son détournement à des fins commerciales. « La plupart des banques sont opposées à ce fichier car, dans ce système, les concurrents ont l'œil sur leurs pratiques. Du coup, pour les banques implantées en France, cela reviendrait à rendre publiques leurs listes de clients à des banques étrangères désireuses de s'implanter sur le territoire », explique une proche du comité. La Cnil confirme : « Ce fichier a été mis en place en Belgique. On sait que de telles pratiques ont eu lieu. »
Dès 2007, la multinationale Experian avait souhaité créer une centrale des crédits privée. Le dossier avait été retoqué par la Cnil puis par le Conseil d'état.
La Fédération bancaire française a jugé dans un communiqué le projet « complexe et coûteux ». Il devrait faire l'objet d'une consultation jusqu'au mois de septembre
.
L'idée d'un fichier positif destiné à prévenir les risques de surendettement avait été proposée par la commission spéciale du Sénat, dans le cadre du projet de loi sur le crédit à la consommation de la ministre de l'Économie, Christine Lagarde. Celui-ci n'avait finalement pas été intégré dans la loi de 2010, mais le projet controversé reste plus que jamais d'actualité.
Un dispositif complexe
L'idée est par ailleurs simple, à première vue : pour empêcher un emprunteur d'empiler les crédits de manière compulsive, un registre recenserait l'ensemble des crédits en cours pour chaque particulier, à l'exclusion des autres dettes (téléphonie, loyers…). Avant d'octroyer un prêt, les banques auraient obligation de le consulter.
Mais, concrètement, l'affaire est plus complexe. D'ailleurs, les 12 membres (parlementaires associations, inspecteurs du Trésor) ont bien pris soin de préciser qu'il ne s'agissait pas pour eux de se prononcer « sur l'opportunité d'un tel fichier ».
Un tel dispositif est réclamé de longue date par certaines associations. En pointe, la Fédération Cresus (Chambre régionale du surendettement social) à qui on peut de toute évidence reconnaître une véritable expertise de terrain en matière de surendettement. « Le jeu en vaut la chandelle. Ce fichier est indispensable pour permettre au consommateur d'éviter de tomber dans cette spirale », arguë José Martinez, le président de Cresus Aquitaine. Et de rappeler qu'en 2010 « 200 000 dossiers de surendettement ont été déposés à la Banque de France », soit une augmentation de 15 % par rapport à 2009.
Mais les modalités techniques livrées brutes par le comité peuvent également faire frissonner. D'abord par la taille de la machine. La création de ce type de fichier reviendrait à recenser 25 millions de personnes. Un big brother bancaire ? Bien sûr le groupe de travail au sein duquel siégeait également la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) s'est entouré de moult précautions. Par exemple, le fichier ne serait pas accessible aux autres créanciers, tels les bailleurs. Les conjoints, les cautions ou les personnes sous tutelle seraient également exclus du répertoire.
Des dérives possibles
Mais l'ampleur du système n'est pas sans poser problème. Notamment en termes d'identification. Comment éviter les homonymies sur un fichier comportant autant de monde ? La solution envisagée fait bondir la Cnil. Il s'agirait de dériver l'identifiant du numéro de Sécurité sociale. « Nous sommes très réservés. Ce serait la première fois que l'on s'affranchirait de la sectorialisation des identifiants. Que l'on fasse dériver un identifiant rattaché à des données sociales pour créer des fichiers bancaires nous paraît dangereux », estime la commission.
Autre réserve de la Cnil : si l'idée part de l'intention bienveillante de protéger emprunteurs et prêteurs, difficile d'empêcher son détournement à des fins commerciales. « La plupart des banques sont opposées à ce fichier car, dans ce système, les concurrents ont l'œil sur leurs pratiques. Du coup, pour les banques implantées en France, cela reviendrait à rendre publiques leurs listes de clients à des banques étrangères désireuses de s'implanter sur le territoire », explique une proche du comité. La Cnil confirme : « Ce fichier a été mis en place en Belgique. On sait que de telles pratiques ont eu lieu. »
Dès 2007, la multinationale Experian avait souhaité créer une centrale des crédits privée. Le dossier avait été retoqué par la Cnil puis par le Conseil d'état.
La Fédération bancaire française a jugé dans un communiqué le projet « complexe et coûteux ». Il devrait faire l'objet d'une consultation jusqu'au mois de septembre
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Par YANN SAINT-SERNIN