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samedi 6 août 2011

Le hasch fait du pétard !


Le hasch fait du pétard !


La répression contre le cannabis coûte 300 M€ par an selon un rapport./ Photo DDM, Nicolas Tucat.
La répression contre le cannabis coûte 300 M€ par an selon un rapport./ Photo DDM, Nicolas Tucat.
UN OFFICE DU CANNABIS ?
Thierry est fumasse : à 45 ans, cet honnête professeur des écoles ne voulait plus dépendre du « copain d'un copain » pour avoir un peu d'herbe à fumer le week-end. Donc, il en a planté dans un coin discret du jardin, et pour la première fois, la récolte s'annonçait superbe cette année. Mais on lui a volé tous ses pieds. Il a dû rappeler le copain du copain… Cet Aveyronnais fait partie des 1,2 à 4 millions d'adeptes de la fumette en France, qui figure avec 550000 fumeurs quotidiens, parmi les premiers pays consommateurs de haschich en Europe. 13,4 millions des adultes français en ont consommé au cours de leur vie.
Le chiffre d'affaires occulte du trafic de cette drogue dite douce (bien que le principe actif, le THC, ait parfois une puissance redoutable) est évalué entre 700 millions et un milliard d'€ par an en France. Face au trafic, aux troubles et à la violence qu'il génère, des élus se prononcent ouvertement pour la légalisation contrôlée du cannabis. À la tête du mouvement, l'ancien ministre de l'Intérieur de Lionel Jospin, le socialiste Daniel Vaillant, imagine même un office du cannabis qui réglementerait la qualité naturelle de la production et sa vente (lire ci-contre). Mais il se défend de faire de sa proposition une mesure de campagne électorale : « Si la gauche est élue, je préconise un débat public sous la houlette d'une personnalité qui rendra un rapport au parlement au bout d'un an, en vue de faire bouger la loi. » Mais Daniel Vaillant est loin de faire l'unanimité au parti socialiste où, par exemple, Ségolène Royal est défavorable à toute légalisation.

L'AUTOPRODUCTION

D'ici là, les pieds auront poussé, en cachette, dans les placards des appartements. L'autoproduction, nouvelle tendance, se propage à la vitesse de l'internet. Claudie, propriétaire à Toulouse, a récupéré son studio loué à des étudiants « imprégné d'une odeur qui ne laisse aucun doute ».
À partir de graines, à faire germer comme des haricots (entre deux feuilles de papier absorbant et de l'eau tiède), la pousse de pieds généreux est espérée. Les autoproducteurs trouvent dans le commerce et en particulier sur internet tout le matériel et les engrais pour faire pousser une plante, d'autant plus généreuse qu'elle est poussée à la lumière artificielle prolongée qui « plombe » la facture d'électricité.
Pour se procurer les semences interdites en France, certains se rendent à la frontière espagnole, au Perthus (lire ci-dessous) où elles sont vendues au grand jour, avec le kit du parfait jardinier (serre, arrosage, éclairage, etc.), le tout assorti de (bons) conseils horticoles !

Le dernier été des « coffee shops » de Maastricht

Interdit, toléré ou dépénalisé, les pays d'Europe n'appliquent pas tous la même règle en matière de cannabis (voir infographie). Les Pays-Bas, qui le tolèrent « sous réserve », constituaient une destination très connue des fumeurs de H pour les 670 coffee shops dans lesquels on peut fumer des joints. Or le pays veut restreindre le tourisme de la drogue et ses nuisances. Ainsi, la ville de Maastricht, interdira à partir d'octobre l'accès à ces coffee shops aux ressortissants français, espagnols, italiens ou luxembourgeois. Les seuls clients autorisés seront les Hollandais, Belges et Allemands. Quant au gouvernement néerlandais, il planche sur l'introduction d'une « carte cannabis » réservée à ses ressortissants pour pouvoir entrer dans un coffee shops.
Sans faire de battage touristique, le Portugal (comme l'Italie) a dépénalisé la consommation personnelle de produits stupéfiants, en autorisant le consommateur à avoir des doses inférieures à ses besoins pendant 10 jours. En Grande-Bretagne, où le cannabis est illégal, les arrestations ne sont préconisées que lorsque le consommateur fume en public ou en présence de mineurs. En France, dont le modèle serait selon certains le plus répressif d'Europe, les simples consommateurs sont rarement sanctionnés, à l'inverse des revendeurs. Ainsi, hier, au tribunal de Toulouse, un homme de 37 ans arrêté jeudi en possession de 250 g de cannabis et 1 700 € en espèces a été condamné à 6 mois de prison ferme. Quant à la production, même pour usage personnel, elle est passible d'une peine maximale de 20 ans de prison et d'une amende jusqu'à 7,5 millions d'€, sanction réservée aux quantités industrielles.

Le chiffre : 13

euros > Les cinq graines. C'est le prix minimum constaté pour un tube de semences de cannabis vendu en Espagne. Il peut grimper jusqu'à 70€.

interview

« On le vendrait au bureau de tabac »

Ancien ministre de l'Intérieur, vous proposez de légaliser le cannabis ?
Oui, je propose une légalisation contrôlée, et j'ai rendu un rapport en ce sens à Martine Aubry pour que si la gauche est élue en 2012, elle puisse étudier une nouvelle réponse aux problèmes du trafic et de l'économie parallèle du cannabis. Il ne s'agit pas d'un droit supplémentaire, mais de prendre en compte le fait que 4 millions de Français fument du haschich occasionnellement. Également de mettre en place l'utilisation antidouleur du cannabis réclamée par le corps médical.
Un économiste, Pierre Kopp, estime que la répression contre le cannabis coûte 300 millions d'€ par an, alors que sa vente contrôlée pourrait rapporter près d'un milliard…
Je suis de son avis, la répression coûte cher à l'État et ce n'est pas rien dans les périodes de disette. En 2009, 140 000 cas sont passés devant la justice en se soldant à 80 % par de simples rappels à la loi, les policiers et les magistrats ont autre chose à faire. Quant à l'argent d'une filière contrôlée, il pourrait servir à la prévention et à la recherche.
Ce serait l'État dealer ?
Il existe deux drogues licites en France, l'alcool et le tabac, sur lesquels l'État ponctionne de l'argent. On peut ne pas le faire sur le cannabis.
On achèterait le cannabis dans les bureaux de tabac ?
Pourquoi pas ? En imaginant qu'ils aient une licence exprès et qu'ils gardent les produits sous clé, on pourrait y acheter du cannabis labellisé, avec des principes actifs de THC inférieurs à 8 %… Un office du cannabis organiserait la production d'une herbe naturelle, non transgénique et sans adjuvants, poussée au grand air, admettons sur 50 000 hectares en France. L'office passerait aussi des conventions avec les pays producteurs comme le Maroc.
Tout le monde pourrait en acheter ?
Non, comme pour le tabac ou l'alcool, les mineurs ne pourraient pas en acheter. Mais je ne vais pas être hypocrite, je sais qu'ils pourront en consommer. Recueilli par P. M.

reportage

Dans les rues du Perthus, les petites jardineries du cannabis

Le bouchon qui vous emprisonne à la sortie 43 de l'autoroute A9, au sud de Perpignan, n'a rien à voir avec la route de la plage. Il mène en quelques virages interminables au Perthus, petite ville commerçante sur la frontière franco-espagnole. Toulousains et tous les vacanciers de la région viennent y faire le plein d'alcool, de cigarettes et de parfums à prix détaxés.
Un commerce jusqu'alors discret complète l'offre : celui des graines de cannabis. Le dernier né, Nova Store, ouvert il y a neuf mois, a remplacé un magasin de chemises Lacoste. Il présente dans ses vitrines des narguilés (« chicha »), du matériel et des gadgets liés à la fumette. Mais le plus important est derrière le grand comptoir tenu par un jeune vendeur souriant : quatre frigos blancs contenant des milliers de graines de cannabis en barquettes de couleur. Car si la production est, comme en France, interdite en Espagne, la vente de graines y est autorisée, assortie de cet avertissement hypocrite : « Il est interdit de faire germer ces graines. »

PARFUM AGRUMES OU SANTAL

En face, la boutique Maria Grow, pionnière de l'activité depuis 14 ans, est une supérette du cannabis : sacs de terreau sur lesquels on est prié de ne pas s'asseoir, engrais liquides en flacons à l'effigie de la feuille dentelée, pots plastiques, et plantations de basilic géant dans une armoire réfléchissante. C'est un « box » de culture indoor (de 300 à 440 €), avec éclairage 600 watts, filtre à charbon, thermo-hygromètre, extracteur et gaine alu. Trois vendeurs vous accueillent en français ou en espagnol : Julien, diplômé en horticulture, voit passer « toute sortes de clients, du marginal au cadre sup, ça va de 18 ans à plus de 40 ans, des gens qui se lancent et d'autres qui pratiquent déjà l'autoproduction. »
C'est le cas de José et Patrick, deux copains toulousains d'une trentaine d'années, qui s'approchent du comptoir. Julien leur déplie un gros classeur où sont répertoriées toutes les graines en vente. « Si ça pousse bien ? Comme de l'ortie ! », nous répond José en riant. Ils ont fait leur choix et on s'attend à ce que le vendeur ouvre la porte à digicode située au fond du magasin. Mais c'est tout bêtement d'un frigo qu'il sort les graines, alignées en petits tubes transparents fixés sur des disques de carton fluo (la porte à digicode, c'est pour les toilettes du personnel !). Montant du shopping de José et Patrick : 53€ pour une dizaine de graines. Il leur restera assez pour s'arrêter à la parfumerie avant de retrouver la voiture, sur le parking à 3€ tout en haut du village…
« Sur près de 5000 variétés cannabiques, estime Julien, nous avons 450 types de graines, provenant de pays qui ont le droit de produire, les Pays-Bas et certains Etats d'Amérique et du Canada, en tout il y a une quinzaine de marques… Et aujourd'hui, avec les croisements, on trouve tous les parfums, agrumes, citron et pamplemousse, bois de santal, épices. » Leurs noms sont évocateurs : « Monster », « Papa's candy », « White widow », « Jamaïcan dream ».

SATISFAIT OU ÉCHANGÉ

Quant à l'effet produit, il y a deux grandes familles de semences, « indica » et « sativa » : les premières sont relaxantes, « celles qui poussent à la sieste, c'est celles que les médecins conseillent aux gens qui souffrent » ; les deuxièmes sont stimulantes, « plutôt pour le fou-rire ». « C'est important de savoir ce qu'on va fumer, de pas être à la merci des produits coupés des revendeurs. » Et si ça ne marche pas ? « On vous remplace les graines ! ». Devant ces semences interdites, les douaniers seront beaucoup moins accomodants.
P.M.
 




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