Retrouvez-nous sur Google+ Facebook Twitter Linkedin My Space Netlog Friendfeed Flickr Foursquare Viadeo Skyrock Priceminister Sonico Auto-Entrepreneurs Battlefield Heroes hellocoton Vins du Sud-Ouest: Il y a 30 ans, la peine de mort était abolie

dimanche 9 octobre 2011

Il y a 30 ans, la peine de mort était abolie


Il y a 30 ans, la peine de mort était abolie

Il y a 30 ans, la peine de mort était abolie
Il y a 30 ans, la peine de mort était abolie
Article 1 : la peine de mort est abolie. C'est le 308e texte de loi voté depuis le début de l'année 1981, mais cela reste, trente ans après, la décision la plus célèbre de toute l'ère Mitterrand. Trois semaines avant ce décret historique (qui classait la France parmi la plupart des pays d'Europe ayant déjà aboli la peine de mort), le garde des sceaux Robert Badinter, avait présenté son projet de loi à l'Assemblée nationale. Son intervention marathon invoquait Hugo, Jaurès et Camus ; elle fut souvent interrompue par ses détracteurs.
Ils sont alors nombreux. Près de deux Français sur trois sont pour la peine de mort, mais « l'homme le plus haï de France » (sous les fenêtres duquel des policiers crient « Badinter assassin ») parvient à faire passer la loi que François Mitterrand avait inscrite à son programme. D'autres avant lui, dès la Révolution française, qui fera pourtant un grand usage de la guillotine, avaient essayé, sans succès, d'abolir la peine capitale.
Alors qu'elle est toujours présente dans le monde et régulièrement appliquée en Chine, en Iran, aux Etats-Unis, son retour ne pourra plus être invoqué en France : en février 2007, l'abolition a été inscrite définitivement dans la Constitution, à la quasi unanimité des députés et sénateurs. Cette fois-ci, Robert Badinter a été applaudi debout par l'auditoire.

Le dernier guillotiné

Hamida Djandoubi a été le dernier condamné à mort à être exécuté en France. Il avait 28 ans et a été guillotiné le samedi 10 septembre 1977 à 4 h 40 du matin, dans la cour de la prison des Baumettes à Marseille. Ce Tunisien avait été condamné à la peine capitale le 25 février 1977, à l'issue de deux jours de procès devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône pour avoir « torturé, violé et assassiné » Élisabeth Bousquet, une jeune femme de 21 ans avec qui il avait eu une liaison. Djandoubi, défendu par Me émile Pollack, s'est pourvu en Cassation. Pourvoi rejeté. La grâce présidentielle le sera également. Le 10 septembre à l'aube, Djandoubi, qui avait perdu une partie de sa jambe droite dans un accident de travail en 1971, a mis sa prothèse pour, comme l'a relaté son avocat, « descendre plus commodément jusqu'à la guillotine qu'on avait mise dans un coin dans une espèce de préau ». G.A.

Témoignage

Une Obsession républicaine

D'où vient la peine de mort ?
L'homme tue l'homme. C'est la reprise de la mort par la mort. C'est une vengeance qui a existé partout. Dans l'Antiquité, si une maison s'écroulait tuant le fils de son propriétaire, on tuait le fils de celui qui l'avait construite. A cette loi du talion s'ajoute le problème de la façon dont on tue. La peine est liée au besoin de faire souffrir l'homme : d'où la torture sous l'Ancien Régime. Les régicides étaient écartelés vivants. Damien, qui avait à peine écorché Louis XV, a été soumis à un vrai supplice.
Quand sont apparus en France les premiers débats sur la peine de mort ?
Sous la Révolution. Robespierre y a participé, ce qui a de quoi surprendre étant donné l'usage qu'il a fait de la peine de mort. Jusque là, même un Jean-Jacques Rousseau n'hésitait pas à reconnaître que la peine de mort était « une exigence ». En définitive, l'abolition de la peine de mort est un combat républicain de longue haleine : Lamartine et Victor Hugo l'ont mené. Il n'est pas une année de sa vie d'homme où ce dernier n'ait écrit sur le sujet.
La progression de l'idée de l'abolition de la peine de mort a pris quasiment deux siècles en France ?
En effet. Ce fut une obsession républicaine. L'abolition faillit se faire au début du vingtième siècle aux alentours de 1906. Le président de la République, Armand Fallières, était abolitionniste, sous sa présidence, il a beaucoup gracié y compris Albert Soleillan, assassin et violeur d'une petite fille en 1908. Cette affaire avait enflammé l'opinion en faveur de la peine de mort. Le combat pour l'abolition n'a pas cessé pour autant. Il y avait l'Association française contre la peine de mort, la Ligue des droits de l'homme et des avocats comme Albert Naud et bien sûr, plus tard, Robert Badinter, qui en est devenu le symbole.
Qu'avez-vous ressenti lorsqu'elle a été abolie ?
Ce n'est pas le jour de son abolition qui m'a le plus marqué, mais celui où François Mitterrand, candidat à la présidence de la République, a dit qu'il l'abolirait s'il était élu. Je ne m'y attendais pas et j'ai éprouvé ce jour-là une très grande émotion. Il fallait du courage même si depuis le début des années 70 les résistance à la peine de mort se multipliaient et si, dans les cours d'assises, elle était de moins en moins demandée. Des humanistes des gens cultivés comme Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing ou Alain Peyrefitte la justifiaient encore en invoquant le poids de l'opinion publique.
Des voix s'élèvent encore pour demander son rétablissement. Est-ce possible ?
Non, parce que cette abolition est inscrite dans notre Constitution et aussi dans la Convention européenne des droits de l'homme que nous avons signée. Son rétablissement impliquerait une rupture avec l'Union européenne. Comme dans l'affaire Richard Roman, on entend quelques personnes crier « à mort », mais c'est instinctif et même primitif. Je ferai remarquer à ces gens que, depuis son abolition, les crimes passibles de la peine de mort n'ont pas augmenté ni en France ni dans les autres pays où elle a été abolie. Cela veut dire qu'elle n'a aucune influence sur le crime et donc aucune utilité.
La peine de mort est-elle un sujet que l'on peut soumettre à referendum ?
Non. C'est un acte politique fort qui doit être accompli dans la sérénité et hors des émotions provoquées par tel ou tel fait divers.
135 pays ont aboli la peine de mort, mais elle demeure dans beaucoup d'autres et pas des moindres…
En Iran, au cours du mois de septembre, 62 exécutions ont eu lieu. Dans les villes, on peut croiser des grues au bout desquelles se balancent les personnes exécutées. Le pouvoir s'en sert comme levier politique. Il veut faire peur. Il affirme sa force de cette façon. C'est la même chose en Chine qui informe très peu sur les exécutions et leur nombre.
Dans d'autres pays la peine de mort ne s'appuie-t-elle pas essentiellement sur des ressorts culturels ?
C'est probable. Le Japon continue à exécuter. Le rapport ancestral à la vie et à la mort doit jouer un rôle important. C'est aussi le cas aux Etats -Unis où la société est restée par bien des côtés puritaine, rigide, passionnée, sectaire et violente, avec un fort instinct de mort. Les armes y prospèrent. L'« esprit western » y est une réalité, alors qu'en Europe il appartient à l'univers du cinéma et du jeu. Chaque société a un rapport spécifique avec la peine de mort.
Que faire des grands criminels ? Comment mettre les sociétés à l'abri de ces grands prédateurs ?
Je tiens d'abord à rappeler que le pourcentage de grands criminels qui récidivent est faible, pas plus de 2 à 3 %. Mais, au-delà, se pose la question de la peine et de la prison. Faut-il punir ou soigner ? Personnellement, je penche pour le maintien de la punition. Il faut réfléchir au sens que l'on donne à la punition et à ce que doivent être la prison et la privation de liberté. Je pense que nous ne sommes qu'au début de cette réflexion, et qu'un nouveau chantier est ouvert.

« Mon » éxécution

Le 28 juillet 1976 dans la cour des Baumettes, à Marseille, à 4h13, j'ai assisté à l'exécution de Christian Ranucci et à aucune autre, heureusement. Lorsque j'ai accompagné Christian Ranucci à la guillotine, je n'avais plus la possibilité de lui donner des mots d'espoir. Alors, j'ai fait de mon mieux pour l'aider à colmater sa panique.
Je le tenais par le cou. Je lui ai demandé s'il voulait se confesser. Il a fait signe que non. J'ai encore dans l'oreille et dans le cœur ses derniers mots : « Réhabilitez -moi ». Dans la nuit se mêlaient la panique du condamné et la chaleur d'une main qui étreignait la mienne, celle du juge Michel désigné d'office pour remplacer le président d'assises et l'avocat général qui avaient fait condamner Ranucci. Tous deux avaient préféré d'être absents. On était en été. Ils étaient en vacances.
J'avais été prévenu la veille, en fin de journée, par téléphone. Il n'est pas interdit à l'avocat de se rendre auprès de son client, mais il vaut mieux ne pas y aller, on ne lui apporte aucun espoir. Je n'ai pas dormi de la nuit.
Au petit matin dans la nuit qui s'achève, dans l'aube blafarde, c'est un petit cortège qui s'avançait, des magistrats, des hommes d'église, des gardiens, des avocats, tous réunis pour l'atroce, l'inoubliable, l'inexcusable. Tous démunis. L'horreur, la honte, l'impuissance étaient réunies. Nous avons assisté au spectacle répugnant d'une société qui, froidement, s'arrogeait le droit de couper un homme jeune en deux.
Lorsque ce fut terminé, et que chacun s'en alla, seul avec son cauchemar, nous avons projeté, hors de la prison, la honte de la nature humaine. Tous ceux qui n'ont pas assisté à une exécution ne savent pas de quoi ils parlent, lorsqu'ils évoquent ou lorsqu'ils réclament la peine de mort.

Et pendant ce temps, dans le monde...

Décapités. Huit ressortissants du Bangladesh ont été exécutés vendredi à Ryad, en Arabie Saoudite après avoir été condamnés pour vol et meurtre. Mais ce royaume ultra-conservateur du Golfe n'est pas le seul pays à conserver et appliquer durement la peine capitale. Alors que l'Union européenne a inscrit l'abolition de la peine de mort à travers sa Convention des Droits de l'homme, on exécute encore en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, et en Amérique, où la dernière exécution, celle de Troy Davis le 21 septembre, a ému la communauté internationale.
Le monde se départage entre 56 pays qui pratiquent la peine de mort, 37 qui la prévoient sans l'appliquer, 9 qui la conservent pour les crimes exceptionnels, et 94 qui l'ont aboli, dont le dernier venu est le Gabon.
D'après Amnesty International, la Chine a exécuté en 2010 plus de prisonniers que les 22 autres pays qui y ont recours. 527 condamnés ont été exécutés dans les autres pays, mais ils étaient vraisemblablement des milliers pendant la même période en Chine, qui garde le secret sur ce sujet. Seul signe d'une avancée : un amendement au code pénal a retiré 13 crimes passibles de la peine capitale de la liste qui en comportait… 68.
D'après le même rapport d'Amnesty, il est des pays qui sont responsables d'exécutions malgré les interdictions internationales, celles concernant les condamnés de moins de 18 ans. Il s'agit de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de l'Iran, du Pakistan et du Soudan.
Enfin, les chiffres de 2011 ne seront certainement pas en baisse notable, puisqu'à la fin de l'année dernière, 17 833 personnes dans le monde étaient sous le coup d'une sentence capitale.

RECUEILLI PAR FRANÇOISE CARIÈS

...

Haut