Pruneau d'Agen en crise : "un signal fort" aux producteurs
Traversé par une crise de confiance, le pruneau d'Agen doit trouver le chemin vers la sortie. Un ingénieur, Christian Taupiac, a été nommé par le ministre pour tenter d'éclairer le chemin. Pas facile.
Début février, vous allez présenter aux producteurs de prunes vos propositions sur la réorganisation de la filière. Quel est votre message ?
« D'abord le constat : il existe des querelles d'hommes, et la filière est anesthésiée par les aides (3 000 € d'aides à l'hectare, N.D.L.R.). Personne n'ose le dire mais elle est recroquevillée. Elle était plus équilibrée à l'époque où Laparre et Bissières (président de France Prune) étaient aux commandes. Le problème est que le sol est nu sous les grands chênes, rien n'y pousse. La succession n'a pas été assurée et personne ne doit s'en vouloir
[…] J'estime qu'avec le départ de Laparre (*), les clés du camion sont tombées par terre et les transformateurs les ont récupérées. C'est aux producteurs de les reprendre aujourd'hui. » Dans vos propositions, vous donnez une nouvelle place aux producteurs justement. Pari risqué non ? « Le système coopératif et associatif a trouvé ses limites. Quand j'assiste aux réunions, je vois des producteurs atones. Les dirigeants des coopératives fabriquent des livreurs de prunes d'Ente, c 'est caricatural mais c'est ça. La proportion d'adhérents qui s'expriment est trop faible. C'est la faute d'un système qui ne propose pas aux producteurs le choix, par peur de se faire sabrer au moment de l'agréage (le choix de qualité, N.D.L.R.).Et, dans le même temps, ils versent entre 400 et 600 € de cotisations diverses par hectare ! » Vous n'évitez pas de parler du prix payé à la production… « Je dis que le producteur ne doit pas être la variable d'ajustement. Le prix payé à la production doit découler d'un équilibre, sans qu'il soit question d'une entente illégale bien évidemment. On doit créer les conditions de cet équilibre dans un rapport de force gagnant gagnant. Le recours aux manifestations comme récemment n'est pas crédible[…] On doit donner un signal fort. J'ai dit et je maintiens qu'il faut un accroissement de la capacité de production alors que tout laisse à penser qu'on va assister à l'inverse dans les trois prochaines années. J'ai pris des photos de vergers qui ont trente ans et quasi-abandonnés, c e sont des vergers à primes.[…] Il faut en revanche agresser les marchés pour l'industriel comme pour le produit de qualité. La baisse de la consommation s'explique par un réel problème de marketing. Pourquoi ne pas avoir joué le pruneau d'Agen lors de la Coupe du Monde en Nouvelle-Zélande ?[…] Pourquoi ne pas créer une bourse au pruneau, et ouvrir un catalogue pour les marchés étrangers ? » Il reste qu'il est difficile de mettre tout le monde autour d'une table… « C'est pourquoi je propose la création d'un pôle de producteurs indépendants, un contrepoids nécessaire susceptible de rendre à sa filière sa stabilité. Par ailleurs, l'interprofession doit se revoir complètement. Il faut réorganiser le Comité économique et au BIP même si les hommes, les directeurs, les présidents, doivent aujourd'hui rester. L'idée d'une Maison du pruneau proposé par Patrick Biazotto (président du BIP, N.D.L.R.) est bonne mais à l'intérieur, attention à ne pas se tromper de porte. » Et le risque si d'aventure l'échec est au bout ? « Il est évident. Les plus optimistes prévoient la disparition d'un tiers de 1 500 producteurs dans les prochaines années. »
Les établissements Laparre ont été placés en liquidation judiciaire à l'automne 2007.
Plan indépendant
Le 9 février, C. Taupiac doit livrer une esquisse de ce qui doit être mis sur pied dans des délais n'éxcédant pas la récolte 2012. Le projet de développement de la filière pourrait naître avant l'été. Cet ingénieur général membre du conseil général de l'agriculture (ministère) s'est entouré d'une dizaine de producteurs et de transformateurs pour pousser la réflexion jusqu'à ce plan stratégique qui se veut indépendant.
STÉPHANE BERSAUTER
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